Trois pas en avant, trois pas en arrière

Attardons nous sur trois décisions du gouvernement prises puis supprimées cette dernière semaine

  • Les impôts locaux et la demi-part dite des « veuves » et veufs

Le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, annonce au JDD des mesures en faveur des 250.000 retraités modestes qui sont désormais contraints d’acquitter des impôts locaux alors qu’ils étaient jusque-là exonérés.

D’abord, cela [la situation des retraités nouvellement imposés] n’est pas acceptable et nous allons faire tout ce qui est nécessaire pour rétablir les choses… Cette situation est la conséquence directe d’une décision prise en 2008, par le précédent gouvernement, de suppression de la demi-part dite des veuves, mais qui concerne également les parents isolés. Il s’agit donc d’une bombe à retardement que nous ont laissée nos prédécesseurs. (Journal Du Dimanche, 31 Octobre)

Ceci est exact. En 2008, le gouvernement précédent a supprimé la demi-part des veufs et veuves; cette mesure est effective pour les impôts de 2014, donc les retraités veufs ou veuves qui ne payaient pas d’impôts locaux sont imposés ou, s’ils en payaient, voient leur note augmenter.

Ce qui « n’est pas acceptable » en 2015, l’était donc en 2012 puisque la mesure est restée pendant trois ans ?

Finalement, face aux demandes insistantes des députés de sa majorité, en campagne sur le terrain, le gouvernement a fait marche arrière :

Nous voulons que les personnes qui étaient exonérées jusque-là continuent à bénéficier de cette exonération en 2015. Nous allons préparer une disposition législative en ce sens. Les personnes concernées qui auraient déjà payé ces impôts en 2015 seront remboursées (quand ?) sans démarche particulière.

Aucun calcul d’impact n’a été fait par Bercy avant l’inscription de cette disposition dans la loi de finances ? En fait, il s’avère que le gouvernement actuel connaissait le problème… mais a oublié de s’en occuper (!). Il a donc fallu agir dans l’urgence, rétropédaler et réparer ce « dysfonctionnement ».

Pourtant trois exemples illustrent le fait que des mesures prises sous l’ancien gouvernement peuvent être supprimées:

-Le taux normal de TVA est resté à 19,6 %, au lieu de passer à 21,2 %, comme le prévoyait le gouvernement de N Sarkozy. Il est vrai qu’elle renaît sous une autre forme lors de la loi de finances rectificative pour 2013 lorsque le taux « normal » passe à 20 %.

-François Hollande rétablit l’ancien barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, en vigueur avant la réforme de 2011.

-En septembre 2012, la révision générale des politiques publiques instaurée par Nicolas Sarkozy est supprimée. Il est vrai qu’en décembre de la même année, elle est remplacée par la loi dite de  » modernisation de l’action publique » (MAP), pratiquement la même sous un nom différent !

  • Allocation « adulte handicapé »

Devant l’unanimité des critiques, le gouvernement a revu sa copie sur la réforme du calcul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Mardi 3 novembre au soir, la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, Ségolène Neuville, a annoncé le retrait de cette disposition du projet budget 2016. (« Le monde » 4Novembre)

Le nouveau calcul prévoyait de prendre en compte, les intérêts non imposables des comptes d’épargne, tels que le Livret A, dans le cadre d’un processus d’harmonisation entre minima sociaux : un « racket «  (président du groupe UDI, Philippe Vigier), une « recette de poche » (Association des paralysés de France), « une recette de poche illusoire, vexatoire, blessante pour les familles » (groupe des députés socialistes à l’Assemblée nationale).

  • Réforme de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF), la principale dotation de l’Etat aux collectivités territoriales.

La pression des élus locaux (et la perspective du Congrès des maires dans moins de deux semaines !) a eu raison de la réforme de la DGF prévue à la baisse. Les principes de la réforme sont maintenus, mais la mise en œuvre est reportée au 1er janvier 2017, et non au 1er Janvier 2016 comme prévu. Il y a « encore un travail de simulation à effectuer » par les services. Le Premier Ministre a justifié ce report par le fait que la nouvelle carte intercommunale ne sera achevée qu’en mars 2016. Mais ceci n’est pas un élément nouveau : les changements à venir dans la carte intercommunale sont connus depuis longtemps. (Source, « Les Echos »)

Tout ceci témoigne d’improvisation et d’amateurisme. Si ces mesures étaient mauvaises, pourquoi les prendre ? Chacun peut se tromper, mais la responsabilité d’un homme d’Etat est de prévoir : « Gouverner, c’est prévoir; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte » (Emile de Girardin).

Trois mesures fiscales annoncées, donc prévues depuis longtemps (à moins de penser que l’improvisation est encore plus grave que celle que l’on voit), trois reculs dans une semaine ! Trois pas en avant, trois pas en arrière ! Cet immobilisme conjugué à un sentiment d’improvisation ne sont pas faits pour donner confiance aux citoyens: ni confiance dans le gouvernement, ni confiance dans les hommes politiques en général, de quoi dérouler un tapis rouge aux populismes de tous bords.

Viviane Boussier


Viviane Boussier, le 9 novembre 2015