ISF : le MoDem se pose en garant du volet social

Veuillez trouver ci-dessous un article paru dans le quotidien « Le Monde » du 5 Octobre. Il met en évidence la position du MoDem à propos de la réforme de l’impôt sur la fortune (ISF), une position que le discours de clôture de François Bayrou sous entendait : Nous avons une interrogation sur cette nouvelle définition de l’ISF. Ma conviction profonde est que cette interrogation est partagée profondément par les citoyens français, y compris par ceux qui ont voté par Emmanuel Macron.

Article du Monde, Alexandre Lemarié 

La réforme de la fiscalité des plus aisés est le premier sujet de discorde dans la majorité.

C’est le premier vrai sujet de divergence au sein de la majorité entre le
groupe La République en marche (LRM) à l’Assemblée nationale et son
allié du MoDem. La réforme de l’impôt sur la fortune (ISF), qui ne
concernera plus que le patrimoine immobilier et exonérera les valeurs
mobilières (actions, assurance-vie…), suscite le malaise au sein des 47
députés du parti centriste.

Les troupes de François Bayrou ont vivement critiqué les choix ­fiscaux du gouvernement, lors de leur réunion de groupe hebdomadaire à l’Assemblée nationale, mardi 3 octobre. « C’était la fête à la réforme de l’ISF, sur le thème : nous, on ne l’aurait pas fait comme ça », résume un participant. Principal reproche formulé : le gouvernement n’a pas prévu de fléchage de l’argent rendu disponible vers le financement des entreprises. Rien ne garantit donc que les contribuables les plus aisés vont investir dans « l’économie productive » les 3,2 milliards d’euros que l’Etat ne va plus leur prélever.

Pour les députés MoDem, il est nécessaire d’avoir des assurances sur les retombées économiques du dispositif. « Il faut voir comment on peut réinjecter dans l’économie réelle l’argent gelé par la réforme de l’ISF », indique le président du groupe à l’Assemblée, Marc Fesneau. Pas question que « les mesures puissent être détournées au bénéfice des plus pri­vi­légiés », a indiqué Jean-Noël Barrot (Yvelines), membre de la ­commission des finances, au ministre de l’économie, Bruno Le Maire, mardi, lors des questions au gouvernement.

Autre membre de la commission des finances, Patrick Mignola entend déposer des amendements pour exiger la suppression de la ­réforme de l’ISF ou le report de sa mise en application. « Le gouvernement aurait dû attendre au moins deux ans avant de réformer l’ISF. En début de quinquennat, il aurait été plus judicieux de se concentrer uniquement sur la baisse des cotisations salariales pour augmenter le pouvoir d’achat des classes moyennes », juge le député MoDem de ­Savoie. « Quel est le projet social qui sous-tend cette réforme fiscale? », demande-t-il, en actant une différence d’approche entre son parti et celui du chef de l’Etat. « Le MoDem a signé pour un équilibre entre l’efficacité économique et la justice sociale. Pour le moment, cela penche trop d’un côté », regrette cet entrepreneur, estimant que le MoDem « a vocation à être une petite caution sociale dans la majorité .

Les députés centristes exhortent le gouvernement à apporter des « compensations sociales à la réforme de l’ISF . Par exemple, en haussant le seuil à partir duquel les retraités vont subir l’augmentation de la CSG de 1,7 point (fixé à 1 200 euros) ou en prévoyant ­davantage de baisse de charges sociales à partir du 1er janvier 2018.

« Pas juste »

Un message déjà porté avec force par François Bayrou, lui-même. Le maire de Pau a jugé lundi 2 octobre sur Europe 1 que le texte réformant l’ISF était « déséquilibré », en estimant « pas juste » que des biens de luxe comme les yachts ou les lingots d’or ne soient plus pris en compte. Le sujet fait également débat à LRM, où certains députés s’inquiètent des effets sur l’opinion d’une mesure à haute portée symbolique, qui peut contribuer à renforcer l’image de « président des riches » que l’opposition tente de coller à M. Macron. Le rapporteur du budget de l’Assemblée nationale, Joël Giraud (LRM), a ainsi demandé vendredi 29 septembre à « revoir » ce volet de la réforme, afin de taxer davantage les produits de luxe.

Pour tenter d’éteindre l’incendie, les députés LRM se sont orientés vers une position commune, mardi, lors de leur réunion de groupe en présence du premier ministre, Edouard Philippe : pour gommer l’accusation d’un budget 2018 favorisant les plus riches, le groupe a prévu de déposer des amendements pour taxer davantage certains biens de luxe, sans remettre en cause l’architecture générale de la réforme de l’ISF. Ces amendements ont ensuite été étudiés lors d’un dîner à Bercy entre les députés LRM et MoDem de la commission des finances et le ministre des comptes publics, Gérald Darmanin. Ils devaient encore être discutés lors d’une réunion du groupe LRM, consacrée au projet de loi de finances, mercredi.


Viviane Boussier, le 5 octobre 2017