Vote électronique, vote par correspondance… Pour garantir la tenue des élections départementales et régionales et lutter contre l’abstention, le député MoDem [de la 2ème circonscription des Yvelines et secrétaire général du MoDem], Jean-Noël Barrot appelle à faciliter l’accès aux urnes.
La tribune ci-dessous est parue dans l’hebdomadaire le « Journal Du Dimanche » le 7 novembre dernier (ICI). La voici dans son intégralité.
« Malgré la troisième vague qui frappe durement les Etats-Unis et les innombrables restrictions qu’elle impose, malgré les 100.000 contaminations par jour, les élections américaines se sont tenues sans aucun report, mais grâce au recours massif au vote à distance. Certes, on ne peut nier les multiples difficultés posées par le décompte des votes par correspondance. Toutefois, la vitalité démocratique américaine a de quoi faire pâlir notre démocratie rongée par l’abstention. En pleine crise sanitaire, la participation aura atteint son niveau le plus élevé depuis plus d’un siècle.
Ce résultat n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat des efforts des pouvoirs publics pour faciliter l’accès aux urnes. Les Américains ont ainsi pu prendre leur voiture pour assister à des meetings de campagne façon cinéma en plein air, et voter grâce à des drive-in mis en place pour l’occasion.
Pendant ce temps-là, chez nous, la démocratie hésite, tâtonne, au risque de s’égarer. Episode 1 au mois de mars, quand, pris par surprise par le virus, nous décidons, après d’indignes polémiques et de longues tergiversations, de reporter le second tour des élections municipales. Episode 2 au mois de juin, quand, comprenant que la tenue de ce scrutin est compromise, nous échouons à faire évoluer nos procédures électorales au-delà d’une modification à la marge du vote par procuration. Résultat, une abstention encore plus massive qu’au premier tour, et des scrutins contestés en nombre pour leur insincérité. Episode 3 cet automne, où nous voici de nouveau réduits à phosphorer sur un report éventuel des élections départementales et régionales.
Ce qui est consternant, ce n’est pas le soin que nous prenons à éviter d’exposer les électeurs au virus. Ni notre attachement au décorum républicain de l’isoloir et de l’urne. C’est notre incapacité à moderniser nos procédures électorales pour leur permettre de se dérouler normalement quel que soit le contexte. La France a instauré le vote par correspondance en 1946 avant d’y renoncer en 1975, pour des risques de fraude que nous sommes évidemment capables de maîtriser cinquante ans plus tard. Rien ne permet de penser que le vote par correspondance présente plus de risques d’irrégularités que le vote par procuration. Qu’attendons-nous encore pour le remettre en place?
Alors que nous avons développé en quelques semaines une application de tracing téléchargée par plus de 7 millions de Français pour faire barrage au virus, qu’attendons-nous encore pour concevoir un système de vote électronique sécurisé? Faudra-t‑il une énième vague d’abstention? Il sera alors trop tard.
C’est pourtant dans les temps troublés que la démocratie doit pleinement s’exprimer. C’est au moment où les citoyens consentent à renoncer à leurs libertés pour sauver des vies qu’ils doivent être associés aux décisions difficiles qui sont prises en leur nom. Alors que le confinement anesthésie notre quotidien, préservons la vitalité démocratique par tout moyen, sans quoi nous allons tout droit à la paralysie civique. Pour « faire nation » à l’heure où l’essentiel est en jeu, redonnons la parole aux Français. Brisons les résistances technocratiques, bousculons nos habitudes. Et ouvrons sans délai ce chantier : qu’importe le moyen, pourvu qu’on ait le vote ».