Le groupe MoDem Europe 78 réagit à la venue du ministre turc en Europe
Silence assourdissant de l’Europe
Rappel des faits
Le ministre turc des affaires étrangères a participé à une réunion publique dimanche 12 mars à Metz pour promouvoir le « oui » au référendum constitutionnel du 16 avril sur le renforcement des pouvoirs présidentiels (déjà très renforcés dans la pratique) dans son pays.
Cette réunion, prévue, a pris une dimension nouvelle depuis que le gouvernement néerlandais a interdit à ce ministre d’atterrir sur son territoire, et que plusieurs pays européens dont l’Allemagne la Suisse, la Suède et l’Autriche aient annulé des réunions de même genre.
La diplomatie française a justifié son accord à cette réunion en estimant que la tenue de ce meeting tenait du principe de « la liberté de réunion ». Peut-on au nom de ce principe, laisser tout dire, surtout lorsque les propos viennent d’un ministre étranger plaidant pour le renforcement d’un régime que l’on peut qualifier au minimum d' »autoritaire » ? Rappelons que le ministre turc a affirmé que le traitement réservé à ses ministres, dont sa ministre de la famille priée de quitter le sol néerlandais sur lequel elle était entrée malgré l’interdiction, traduisait une « montée du racisme et du fascisme en Europe » et qu’il a traité l’Allemagne de « nazie » pour les mêmes raisons.
Alors que le ministre turc remerciait la France de son accueil, « la France n’est pas tombée dans ce piège » a-t-il dit, les réactions françaises, postures ou pas dans un contexte de pré-campagne électorale, n’ont pas tardé. Celle du gouvernement français appelle toutefois une autre réflexion.
Cet événement met en lumière l’absence, dénoncée depuis longtemps, d’une politique étrangère commune de l’UE et la nécessité de construire l’Europe, une construction non pas au sens géographique du terme, mais au sens Politique.
Il est illusoire de croire, ou de feindre de croire, que notre seule diplomatie française est capable de se faire entendre sur la scène internationale. Les mots du président turc devraient susciter une réaction européenne par la voix de Federica Mogherini, Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne qui, dans ses missions, reçoit celle de travailler » en collaboration avec les services diplomatiques des Etats membres ».
On est en droit d’attendre que par elle, l’Union condamne fermement les menaces proférées contre les droits humains, conformément à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, car c’est défendre nos valeurs.
Il y a à peine une semaine (le 9 mars), dans son premier discours en tant que Président du parlement européen, Antonio Tajani rappelait aux chefs d’Etat l’importance de l’unité entre les Etats membres. L’Europe doit se « réformer et non s’affaiblir » disait-il. Il rappelait également la nécessité d’une meilleure coordination entre les Etats membres.
Quelques jours après ces rappels de ce que doit être la base notre projet européen, personne ne réagit, pointant ainsi au grand jour notre faiblesse (ou inexistence ?) diplomatique et politique.
La Turquie est candidate à l’adhésion à l’Union européenne. C’était l’occasion également d’indiquer que le processus d’adhésion de la Turquie à l’Europe est bien sûr stoppé, ce qui n’a jamais été dit officiellement, alors que les valeurs démocratiques ne semblent plus respectées, mais l’accord passé avec cet Etat sur les migrants nous paralyse. Aujourd’hui, elle menace des Etats membres et rien ne se passe ! Ni du côté français qui semble ne pas avoir entendu les propos du ministre turc, ni de celui de la Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Le jour où nous devrons négocier avec la Turquie, quelle sera notre force diplomatique ? Nos divisions s’affichent, et, en creux, l’absence de vision commune, si vision il y a ! Les populismes que nous dénonçons d’un côté ont beau jeu de marcher sur le tapis rouge que nous leur déployons de l’autre !
Il faut aussi se rappeler qu’avec l’accord sur les migrants, nous, européens, nous sommes mis en « dépendance » vis-à-vis du pouvoir turc, qui a bien compris qu’il possède un levier (ou le moyen d’exercer du chantage ?) vis-à-vis des pays européens en laissant passer les réfugiés. Ce qui vient de se passer ce 12 mars milite bien pour que ce soit l’Europe qui organise le maintien des réfugiés au plus près des pays d’origine.
Ce fait démontre aussi la nécessité d’un dispositif permanent de coordination entre les diplomaties des pays européens, qui puisse réagir rapidement et proposer une réponse européenne coordonnée. On existe en sachant dire « non » ; cet évènement avec la Turquie est une occasion ratée pour montrer l’existence de cette diplomatie européenne …. à naitre !
Pour sortir de ce silence assourdissant, c’est du courage politique qu’il faut : du courage politique pour nos institutions européennes certes, mais surtout pour les chefs d’Etat que nous y envoyons pour nous représenter, car finalement, pour exercer une diplomatie européenne en « collaboration avec les Etats », il faut … des chefs d’Etat qui aient envie de collaborer.
Viviane Boussier, Groupe MoDem Europe 78