« Ce n’est pas l’orthographe de nénuphar qui est un problème au collège ! »

Ce sont les termes de François Bayrou dans la tribune publiée le 7 Février dans le JDD (ICI)

Le gouvernement n’avait probablement pas assez à faire avec le chômage, les déficits, les gouffres de nos régimes sociaux, le terrorisme et le mal-être de notre pays. Il a trouvé utile et urgent de faire renaître, en catimini, une polémique que l’on croyait éteinte depuis un quart de siècle. Certains croient qu’il s’agit d’une manoeuvre de diversion. Je crains que ce ne soit plus profond et qu’il ne faille y réfléchir.

Qu’en est-il exactement de cette polémique ? Qui est à l’origine ? Le Mouvement démocrate des Yvelines a cherché !

Est-ce une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes ou, comme l’a dit Benoit Hamon lors d’une interview matinale, des discussions de  » salon de Saint Germain des Prés » ?

A première vue, oui .. faut-il un accent circonflexe sur tel mot ou pas ? Ph ou F ? Querelle orthographique ou orthografique ?  C’est sûr (sur ?), on ne sait plus et surtout, il  y a en effet des problèmes plus graves actuellement !

Est-ce l’Académie qui est à l’origine de cette rumeur ? Non .. les académiciens ont publié un communiqué le démentant : « ce n’est pas nous » ! Le communiqué est ICI: en voici les premiers termes:

L’Académie française tient tout d’abord à rappeler qu’elle n’est pas à l’origine de ce qui est désigné sous le nom de « réforme de l’orthographe », dont la presse se fait l’écho depuis quelques jours, et qui devrait être appliquée dans les programmes scolaires à compter de la prochaine rentrée.

 Le texte auquel il est fait allusion émane du Conseil supérieur de la langue française : il a été publié dans les « Documents administratifs » du Journal officiel le 6 décembre 1990.

Si ce ne sont pas les « Sages », c’est donc le Ministère de l’Education ! Un tour sur le site … rien ! Alors qui ?

Enfin une note du gouvernement du 5 février dénichée (ICI) grâce à un moteur de recherche:

Il ne revient pas au ministère de l’Éducation nationale de déterminer les règles en vigueur dans la langue française. Ce travail revient à l’Académie française, depuis Richelieu.

Finalement ce jeu du « c’est pas moi, c’est lui ! » ne serait qu’une tempête dans un verre d’eau ? Peut-être sauf qu’il y a une autre explication possible qui tient dans cette petite phrase, toujours sur le site du Gouvernement:

A la rentrée 2016, les manuels scolaires pourront faire référence, tout comme dans le cadre des programmes précédents adoptés en 2008 lorsque Xavier Darcos était ministre de l’Éducation nationale,[donc, c’est pas moi !)] aux rectifications de l’orthographe adoptées en 1990 par le conseil supérieur de la langue française et approuvées par l’Académie française

Les manuels scolaires pourront donc en éditer de nouveaux marqués « NO » (Nouvelle Orthographe » ), ce qui améliorera leur chiffre d’affaires !

Mais derrière tout cela, qui paraît désordonné, il y a des groupes de pression qui savent ce qu’ils font (Article de la tribune du JDD voir ci-dessus)

Non, cette rumeur n’est pas une tempête dans un verre d’eau, ni une discussion de salon, mais un autre aspect de la casse de notre enseignement et le mot de la fin revient à l’Académie par la voix d’H Carrère d’Encausse,

Le ministère de l’éducation national s’est appuyé sur une réforme du « conseil supérieur de la langue française » adoptée en 1990 pour inciter les éditeurs scolaires et les enseignants à adopter de nouvelles simplifications orthographiques.(Quotidien La Croix du 13 Février)

La fin de cet article est sans appel: « La position de l’Académie n’a jamais varié sur ce point : une opposition à toute réforme de l’orthographe mais un accord conditionnel sur un nombre réduit de simplifications qui ne soient pas imposées par voie autoritaire et qui soient soumises à l’épreuve du temps », souligne Mme Carrère d’Encausse. Elle remarque sur ce point que la réforme est tombée en désuétude. Les Français dans leur pratique ne l’ont pas cautionnée. « Il est donc absurde de ressortir aujourd’hui cette réforme » conclut-elle.

Mais le diagnostic porté par l’académicienne sur le système éducatif risque de relancer le débat. Depuis 1990, le contexte a totalement changé rappelle-t-elle. « En 2016, nous sommes devant une situation radicalement différente » avec un système éducatif qui « s’est écroulé » au point « qu’un élève sur cinq quitte l’école sans savoir lire » commente-t-elle. « Le problème n’est donc plus d’offrir des facilités aux élèves, de conserver ou non l’accent circonflexe, mais de revoir totalement notre système éducatif ».

Hélène Carrère d’Encausse enfonce le clou. « Je dirais que la tragédie française est une inégalité croissante, née de l’effondrement de notre système éducatif ». Ce dernier « doit être reconstruit en fonction de cet impératif d’égalité ».

Dans sa tribune du JDD, François Bayrou pensait qu’elle s’exprimerait .. elle l’a fait .. Et pour compléter ses mots et revenir à la tribune de F.Bayrou dans le JDD : Ajoutons que prétendre que ces simplifications imposées facilitent en quoi que ce soit l’acquisition de l’orthographe par les élèves est une plaisanterie de garçon de bains. Ce n’est pas l’orthographe de nénuphar qui est un problème au collège.

 

 


Viviane Boussier, le 14 février 2016